Mille mots
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Est-ce que quelqu’un, un jour, a cru en vous au point d’étonner toute une classe ?

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Je devais avoir 15 ou 16 ans. Le lycée, dans les années 70…

Cette phrase me revient très souvent en mémoire. ​Il se trouve que j’ai fréquenté le même établissement de la 6ème à la Terminale et que certains profs enseignaient à plusieurs niveaux. J’ai donc eu la chance de faire du Français et du Latin avec ​la même professeure en 3ème, puis en 1ère.

Le collège et le lycée n’étaient séparés virtuellement que par une cour de récréation. Cour que les collégiens franchissaient d’ailleurs très souvent pour se rendre dans les labos de sciences du « nouveau bâtiment » réservé aux lycéens. Les lycéens la franchissaient aussi, dans l’autre sens, quand ils avaient cours avec Mlle L. Elle avait eu la polio étant petite et se déplaçait avec des cannes. Elle était donc le seul enseignant de l’établissement à avoir une classe vraiment dédiée, pour des raisons évidentes.

Je l’aimais beaucoup, j’admirais son courage, sa culture et je n’ai jamais versé dans les blagues potaches des élèves chahuteurs - J’étais moi-même assez délurée, je vous rassure, mais je ne me suis jamais moquée comme certains, de son physique  - .

Jai la faiblesse de croire que c’était réciproque. J’étais bonne en lettres, sans avoir à fournir d’effort particulier. J’aimais et j’aime toujours manier le verbe. Mlle L. avait la réputation, quand elle enseignait à des classes de 1ère,  de noter « vache », au moins deux points en dessous de la note moyenne que l’élève aurait obtenue à l’examen.

De mon côté, j’avais un défaut : légèrement encline à ne pas en faire trop, je ne rédigeais mes devoirs à la maison qu’au dernier moment, souvent la veille dans la soirée pour le lendemain.

Un jour, de la sorte, le sujet de la dissertation portait sur un extrait de la Condition Humaine d’André Malraux : « La mort de Kyo ». Comme à mon habitude, je l’avais rédigée en une heure, au grand maximum, la veille, sur un coin de mon bureau. J’avoue que j’étais un peu inquiète de la note que j’obtiendrais pour un devoir ainsi bâclé. Je ne fanfaronnais pas le jour de la correction.

A 16 ans, j'étais instable...

... J'étais perdue entre mes parents qui s’entre-déchiraient dans un divorce après 26 ans d’enfer domestique – Et je pèse mes mots – Personne ne soutenait mes études et c’est à peine si on lisait mes bulletins. Fille unique, je n’avais aucun autre refuge que mes lectures. C’est sans doute la littérature qui m’a sauvée, ce jour-là et aussi les années qui ont suivi.

La vie fait parfois de jolies surprises. Mlle L. a dû voir en moi autre chose que l’adolescente rétive. La mort de Kyo m’a valu un 18/20 ! Oui ! Un 18 ! De sa part, c’était incroyable, hallucinant. Moi, je me sentais mal, – Même si, je l’avoue, j’étais assez fière – j’avais comme un sentiment d’imposture. Ça murmurait fort dans la classe. Elle s’est expliquée sur cette note exceptionnelle en disant à peu près ceci :

« Nadine, il n’y a RIEN dans votre devoir, pas de fond, pas de travail… Mais vous avez un style ! Et ça, je veux le récompenser ! Promettez-moi qu’un jour vous écrirez ! »J’ai bredouillé « Oui Mademoiselle ! 

Et le temps est passé

J’ai eu 16 à l’écrit du Bac et le temps est passé… A chaque fois que j’écris ou que je travaille sur l’écrit, après toutes ces années, je pense à Mlle L. Pardon Mademoiselle, je n’ai jamais vraiment écrit ! Mais je vous assure, où que vous soyez aujourd’hui, que si j’aime tant la parole, le verbe, c’est aussi grâce à vous qui avez su m’encourager !

Alors vous ? Oui, vous qui me lisez : Je vous souhaite de rencontrer, sur votre chemin, une Melle L. qui saura distinguer votre talent ! Ou peut-être l'avez-vous déjà rencontrée ?

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